Diplomacia e Relações Internacionais
Pierre Salama: Les économies émergentes latino-américaines: entre cigales et fourmis (livre)
Pierre Salama:
Les économies émergentes latino-américaines: entre cigales et fourmis
Paris: Armand Colin, 2012, collection U.
ISBN : 978-2-200-28132-8
Pierre Salama, professor emérito da Université de Paris XIII, é um grande amigo e conhecedor do Brasil. Sob a sua direção, centenas de professores e economistas brasileiros e franceses, junto a estudantes de pós-graduação de todo o mundo, prepararam as suas dissertações de doutorado na França. Salama foi assistente de Celso Furtado na Universidade de Paris. Tem vários dos seus livros anteriores publicados aqui no Brasil e em outros países da América Latina.
SOMMAIRE
Introduction générale
Chapitre I : Bref retour sur l’histoire économique
Chapitre II : Une globalisation commerciale accompagnée d’une redistribution des cartes
Chapitre III : Globalisation commerciale : désindustrialisation « précoce » en Amérique latine, industrialisation en Asie
Chapitre IV : Globalisation financiere
Chapitre V : Inégalités des revenus et croissance
Chapitre VI : Une pauvreté en régression
Chapitre VII : Politique sociale et pauvreté
Chapitre VIII : Inéluctable, la violence ?
Conclusion générale
Introduction générale
Pays semi-industrialisés avant-hier, nouveaux pays industrialisés hier, économies émergentes aujourd’hui, ces changements de qualicatifs traduisent à la fois les transformations que connaissent ces pays et un déplacement du centre de gravité du monde.
Avant-hier, dans les années 1960 à 1970, on les appelait des économies semi-industrialisées. Elles n’étaient pas nombreuses : Argentine, Brésil, Mexique, peut être Colombie et déjà apparaissant à l’horizon ce que l’on a nommé les « dragons » en Asie, la Corée du sud, Taïwan, Singapour et Hong-Kong. Elles étaient industrialisées mais leur industrie, héritière d’un mode de développement économique « tiré de l’intérieur » dès les années 1940, était en quelle que sorte tronquée, c'est-à-dire incomplète. Leur poids dans l économie mondiale était alors négligeable. Certes elles exportaient des produits manufacturés au lieu des produits primaires, mais elles étaient relativement fermées, protégées par des barrières douanières, des réglementations voir des contingentements sur certains produits. Protégées de la concurrence extérieure, les entreprises prospéraient à l’abri malgré leurs coûts élevés. Le modèle s’épuisait.
Hier dans les années 1980, on cessa de les nommer économies semi-industrialisées, l’expression étant devenue obsolète. Les dragons asiatiques s’imposaient de plus en plus, leur croissance reposant sur la conquête de marchés extérieurs, les économies latino-américaines, empêtrées dans les problèmes de gestion de leurs dettes externe, sombraient dans l’hyperinflation et dans de sérieuses crises économiques. Décennie heureuse dans quelques pays asiatiques, « décennie perdue » en Amérique latine, réduction de la pauvreté chez les premiers, augmentation des inégalités chez les seconds caractérisent cette période. Leur seul point commun étant l’épuisement des dictatures et les ouvertures démocratiques. Tout semblait nouveau. Aussi les nomma-t- on « nouveaux pays industriels », connus sous l’anagramme de NPI. Certes les dragons ne pouvaient être confondus avec les grandes économies latino-américaines, ouverture, croissance vive d’un côté, fermeture et stagnation de l’autre, les premiers dépassant très rapidement les seconds tant du point de vue de leur revenu par tête que de l’essor de leur productivité, de la composition de leurs exportations comportant plus de produits manufacturés. Mais on ne pouvait décidemment conserver la qualification d’économies semi-industrialisées pour les une et dénommer les autres de nouveaux pays industrialisées. La taxinomie eût été trop complexe, aussi, dans le même élan les dénomma-t-on tous nouveaux pays industrialisées, en prenant soin toutefois de ne pas trancher une question épineuse : sont-elles ou ne sont-elles plus des pays sous développés (ou encore plus diplomatiquement des économies en voie de développement. Les instituions internationales ont préféré alors désigner les économies non industrialisées, du Sud dirait-on aujourd’hui, « d’économies moins développées », les autres étant des NPI…Quant à Patrick Tissier et moi-même (1982), nous avons préféré alors conserver le terme de pays sous- développés et intituler un livre « Industrialisation dans le sous-développement », consacré aux dragons et aux économies latino-américaines. L’expression « sous-développés » n’est pas péjorative, elle indique seulement le fait que ces pays ont connu un développement distinct de celui des pays avancés, la pénétration des rapports marchands et capitalistes s’effectuant dans un espace temps très dense dans les pays « sous-développés ».
Déjà à cette époque les « dragons » asiatiques, rejoints très vite par les « tigres (Malaisie, Thaïlande, Indonésie, Philippines, puis, un peu plus tard, Vietnam) commençaient à bouleverser les équilibres du commerce international. Sans encore vraiment peser sur les échanges internationaux, ces pays prenaient de plus en plus d’importance : investissements - délocalisation de plus en plus nombreux des pays avancés (Etats-Unis, Japon surtout) dans ces économies (dragons et tigres), des dragons vers les tigres, densification relative des échanges dans la zone asiatique. Mis à part le Mexique, à la fin des années 1980, l’Amérique latine était absente de ces évolutions, marginalisée.
Les années 1990 sont celles de l’émergence de la Chine (1,3 milliards d’habitants), puis de l’Inde (1 milliard d’habitants). Cette fois, il ne s’agit plus de petits pays, à population relativement faible, mais quasiment de pays continentaux qui entrent dans l’économie mondiale avec force, marginalisant progressivement et relativement les dragons et les tigres, participant à la densification des relations entre pays asiatiques, attirant de plus en plus d’ investissements étrangers en quête de délocalisations mais aussi attirés par leur vaste marché intérieur. Timidement, les économies latino-américaines amorcent un retour sur les marchés extérieurs.
Aujourd’hui, les années 2000 sont celles de la consécration de la Chine et d’un changement d’appellation. Un taux de croissance soutenu, une balance commerciale devenue excédentaire, des réserves en devises considérables, la Chine devient l’atelier du monde. Avec la Russie, l’Inde, le Brésil et aujourd’hui l’Afrique du Sud, elle constitue un ensemble dénommé BRICS, certes profondément hétérogène, aux intérêts souvent divergents, mais dont le poids aujourd’hui est tel que rien ne peut plus se décider sans leur participation. Le déplacement du centre de gravité du monde a commencé. Rejoints pas d’autres pays asiatiques et latino-américains, ces économies dénommées à présent économies émergentes, ont acquis un poids considérable dans l’économie mondiale. Avec la crise de 2007-2008 dans les pays avancés, elles ont montré leurs capacités à résister à la contagion internationale, résistances élevées en Asie, modérées en Amérique latine au point que de nombreux économistes se sont interrogés de savoir non seulement s’il existait un découplage des conjonctures entre les économies avancées et les économies émergentes, mais aussi et surtout si les économies émergentes pouvaient permettre aux économies avancées de sortir de leur crise. Au prix toutefois de nouvelles spécialisations internationales : aux économies émergentes l’exportation de produits manufacturés (Chine), de services (Inde) avec pour conséquence une désindustrialisation non seulement dans certaines économies avancées mais aussi dans les économies émergentes latino-américaines ; aux économies avancées et à deux dragons, la Corée du sud et Taïwan, la production de produits et de services de haute technologie, aux autres économies émergentes (dont l’Amérique latine), l’exportation de matières premières d’origine agricole et minière produites avec des techniques sophistiquées. .
Une nouvelle carte du monde est-elle en train d’apparaître ? Une nouvelle Amérique latine est-elle en train de naître ? Fait-elle partie de ce nouveau monde ou bien son développement est-il conditionné par le déplacement du centre de gravité vers ce nouveau monde, à l’occasion à la fois des mouvements longs en faveur des économies asiatiques et de la crise des finances internationales venant des pays avancés ?
Les premiers signes sont présents, mais encore insuffisants pour apporter une réponse claire. Un bref voyage dans le passé est riche d’enseignements. Les années 1980, la « décennie perdue », alimentent le pessimisme et la désespérance. L’Amérique latine, rattrapée puis dépassée par les dragons asiatiques, se marginalise. Les années 1990 renouent avec une croissance non inflationniste, mais les perspectives d’avenir sont plombées par un taux de croissance moyen médiocre. Au lieu de converger avec les économies émergentes asiatiques, l’Amérique latine continuer à diverger, l’écart se creuse avec les « dragons » asiatiques (Corée du sud, Taïwan, Hong-Kong et Singapour). Pessimisme de nouveau. Et puis les années 2000 renouent avec une croissance plus vive, certes en deça de celles que connaissent les économies émergentes asiatiques auxquelles il convient d’ajouter les « tigres » (Thaïlande, Malaisie, etc.,) l’Inde et surtout la Chine. Cette reprise de la croissance ouvre la voie à un optimisme démesuré au Brésil, un peu plus modéré en Argentine. Optimisme donc. Seul le Mexique, à la traîne, surdéterminé par la montée de la violence et l’incapacité de relancer sa croissance, fait défaut à ce nouveau concert pour différentes raisons : choc de la crise plus important qu’ailleurs, explosion de la violence liée au narcotrafic..
Une nouvelle Amérique latine est en train de naître. Cela concerne non seulement les pays émergents comme le Brésil, l’Argentine, le Mexique, le Chili et la Colombie, mais aussi de « petits » pays qui, forts de leurs ressources naturelles, exigent une redistribution des gains tirés de leur exploitation et surtout entreprennent une démarche difficile, mais oh combien symbolique, d’intégrer les populations indiennes, primo-arrivantes, hier exclues politiquement et socialement. Un Etat, deux Nations…richesses naturelles mais tentations de séparatisme comme réponses à cette nouvelle citoyenneté imposée par les luttes des exclus ; reconnaissance politique des Indiens mais problèmes sociaux et environnementales dus à l’exploitation des mines à ciel ouvert, excessivement polluante, dont ils subissent de plein fouet les principaux effets, y compris à un niveau symbolique lorsque la terre des « anciens » est meurtrie par ces exploitations.
L’Amérique latine change. Celle d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui et pourtant elle en conserve les traits. Les ruptures sont, comme toujours, des dépassements, l’Histoire n’avance pas de manière linéaire. L’Histoire réserve des surprises, tant il est vrai «que « les Hommes font librement leur Histoire, mais dans des conditions qui ne sont librement déterminés par eux ». La connaissance du passé, fût-ce du passé récent, est essentiel pour comprendre le présent …
Qui en effet aurait pu imaginer, il y a quelques décennies, qu’on puisse désigner les principaux pays latino-américains semi -industrialisés comme des économies émergentes de demain, comme capables de réduire leurs retards avec les pays avancés, de leur faire concurrence sur certains marchés, d’être capables de réduire, fût ce légèrement, leurs inégalités de revenus et leur pauvreté, de consolider enfin leur systèmes démocratique ? Qui aurait pu imaginer que certains pays, parmi les plus importants, allaient renouer avec l’exportation de produits primaires, retrouvant ainsi partiellement leur spécialisation internationale du temps jadis, desserrer leurs contraintes externes, attirer les capitaux, certes au prix d’une appréciation de leur taux de change ? L’enchainement des phases - économies relativement fermées en pleine expansion puis en crise inflationniste, économies plus ouvertes mais stagnationnistes, économies ouvertes et de nouveau en croissance – semble logique aujourd’hui tant il est facile de prédire l’avenir lorsqu’on le connait…mais si on se replace en 1981 (crise des dettes externes), en 1990 ou en 2003, alors tracer les trajectoires possibles est plus compliqué, l’Histoire prenant parfois des bifurcations, avançant par à coups, sous l’influence du jeu complexe de différents groupes d’intérêt nationaux, de leurs poids, de la manière dont ils subissent et répondent aux contraintes externes et internes (notamment aux pressions de l’opinion publique).
Ce livre ne prétend pas retracer les parcours économiques suivis par chacun des pays composant l’Amérique latine, ni traiter de l’histoire économique longue, ni d’être exhaustif sur tous les thèmes. Nous avons faits des choix. Ce livre a pour objet de tirer des leçons de l’Histoire afin de ne pas répéter les erreurs passées. D’étudier l’Amérique latine pour comprendre l’Europe d’aujourd’hui et sa crise des dettes souveraines, leur gestion et les crises économiques qui en découlent, mais aussi comprendre de l’Amérique latine à l’aide des expériences asiatiques.
Nous avons centré l’étude sur les principales économies émergentes : le Brésil, l’Argentine, le Mexique, le Chili et la Colombie et dû en négliger d’autres, quitte à nous référer ici ou là à certaines d’entre elles. Ces pays, locomotives de l’Amérique latine, concentrent l’essentiel à la fois de sa population et de sa production industrielle, agricole et de services. Nous nous sommes limités aux quinze - vingt dernières années, réservant toutefois au premier chapitre un retour bref sur l’histoire économique des quarante dernières années pour rappeler notamment les origines de leur industrialisation et montrer son originalité (une croissance « tirée » d’un marché intérieur en voie de constitution). Les quinze – vingt dernières années, qui seront plus amplement étudiées, sont en effet celles de la croissance retrouvée.
La globalisation commerciale participe au déplacement du centre de gravité du monde avec la montée en puissance des économies émergentes asiatiques et dans une moindre mesure de celles d’Amérique latine (chapitre 2). La croissance peut s’accompagner d’une industrialisation, ce n’est pas le cas en Amérique latine et si « comparaison n’est pas raison », « comparer permet d’apprendre ». En Amérique latine, les quinze – vingt dernières années sont en effet celles où se manifeste dans plusieurs pays une « désindustrialisation précoce » (chapitre 3) et celles où apparaissent de nouvelles vulnérabilités financières (chapitre 4). Ce sont également celles d’une redistribution des revenus un peu moins inégalitaire (chapitre 5), de la baisse de la pauvreté même si elle reste à un niveau élevé (chapitre 6). Les politiques sociales connaissent dans la plupart des pays un certain essor mais une fiscalité « régressive » limite l’efficacité de ces politiques en faveur d’une réduction de la pauvreté plus prononcée (chapitre 7). Et si dans certains pays les causes socio-économiques de la violence conduisent à une réduction des homicides, dans d’autres ils tendent à les augmenter (chapitre 8).
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