Football. La Coupe du monde, du 12 juin au 13 juillet, devait être l’occasion de montrer le fort potentiel de cette puissance émergente. Mais au pays du “futebol”, l’économie chancelle, sur fond de fronde sociale et d’insécurité…
Le Brésil rêve encore d’un Mondial historique qui allégerait le poids des déceptions. L’espoir ne dissipe cependant pas le doute. Au pays du foot roi, la Coupe du monde est devenue impopulaire avant même son coup d’envoi, ce 12 juin, et son premier match (Brésil-Croatie) organisé dans le stade Arena Corinthians, à São Paulo.
Selon un sondage Datafolha, à trois semaines de l’événement, moins de la moitié des Brésiliens (48 %) étaient encore favorables à l’organisation de la Coupe dans leur pays. Ils y croyaient majoritairement en 2008 (79 %). Première ville sous les projecteurs, São Paulo, capitale économique du pays (30 % de son PIB, 22 millions d’habitants avec sa périphérie), accueille six matchs du Mondial, qui devrait attirer sur place au moins 600 000 touristes étrangers — dont 17 000 Français. Quelque 3,3 millions de visiteurs brésiliens sont attendus. Ils vont se déplacer dans un pays continent (16 fois la France en superficie, 203 millions d’habitants) pour se rendre dans les douze villes hôtes. Neuf milliards d’euros ont été investis avec une facture publique faramineuse qui choque les Brésiliens. Le pays est-il prêt pour autant ? Le Mondial fait apparaître un État qui a accumulé les retards avec un amateurisme parfois tragique (huit morts sur les chantiers des stades, contre deux lors de la dernière Coupe en Afrique du Sud).
Selon Associated Press, trois stades du Mondial (São Paulo, Natal et Porto Alegre) étaient encore sources d’inquiétude pour la Fifa à quinze jours de l’événement, alors que Curitiba, un temps menacé de “carton rouge”, donnait enfin matière à satisfaction. Principal grief : des préparatifs à la va-vite. « Le Brésil est un champion de l’improvisation, mais on ne peut faire des miracles », reconnaît un urbaniste. « Il y a un potentiel de risque, parce qu’on n’a pas tout testé », a lâché Jérôme Valcke, secrétaire général de la Fifa.
On s’inquiète encore pour les télécommunications et les liaisons wi-fi dans les stades — quand ce n’est pas l’électricité —, dans un pays réputé vulnérable à une cyberattaque.
Certains projets d’envergure comme le train Rio de Janeiro-São Paulo ont été purement et simplement abandonnés. Cette voie, qui aurait permis de relier deux pôles de compétitivité du Brésil, figurait parmi les promesses de la présidente Dilma Rousseff lors de l’attribution de la Coupe, en 2007. On croyait alors au miracle économique de ce pays émergent, avec une croissance à 5,7 %. Anémique depuis trois ans, celle-ci est tombée à 2,3 % l’an passé et les prix flambent, entraînant le désenchantement de la population…
La Coupe du monde devait être l’occasion de transformer les infrastructures qui font défaut et laisser en héritage de meilleurs aéroports, de nouvelles lignes de métro, de bus… Là aussi, le bilan est accablant. À moins d’une semaine du Mondial, une partie de l’aéroport de Brasília est inondée. À Recife, la passerelle prévue pour rejoindre le métro de l’aéroport n’a pas vu le jour. Le nouveau terminal à l’aéroport de Fortaleza est finalement improvisé… sous une tente !
Les Brésiliens se sentent d’autant plus trahis par ce Mondial qu’on leur présente maintenant la facture. « Ces couacs et les investissements jugés faramineux alimentent le mécontentement. Les Brésiliens acceptent difficilement de voir des investissements publics s’orienter vers des infrastructures dont ils bénéficieront peu ou pas », analyse Fernando Rodrigues, éditorialiste à Folha de S.Paulo. Ces jours-ci, la présidente Dilma Rousseff, dont la réélection est en jeu en octobre, n’affirme plus que son pays « va assurer la Coupe de toutes les Coupes ». Elle attaque bille en tête la Fifa pour non-recours à des fonds 100 % privés. Son objectif est à présent de contenir la vague de mécontentement. Ces derniers jours, la situation s’est encore tendue. Après les conducteurs de bus de plusieurs villes, dont Rio de Janeiro, les employés du métro de São Paulo avaient entamé une grève illimitée suspendue le 9 juin. Les autorités craignent la reprise des troubles qui s’étaient produits en pleine Coupe des confédérations en juin 2013, sur fond de colère contre les dépenses du Mondial, alors que les services publics (santé, éducation…) sont en déshérence. Le risque de paralysie des transports n’est pas à écarter si ces mouvements s’amplifient.
« Ces dernières semaines, la contestation s’est ravivée. Sur les réseaux sociaux, le mot d’ordre est “Não vai ter Copa” [Il n’y aura pas de Coupe, NDLR], les Brésiliens sont excédés de la gabegie de l’État et veulent faire entendre leurs revendications en cette année électorale », remarque un informaticien prêt à manifester...Lire la suite dans le numéro disponible en kiosque le jeudi 12 juin...