La « journée nationale de lutte » lancée par les centrales syndicales, jeudi 11 juillet, s’est traduite par des grèves perlées dans les usines, les ports, les chantiers, les transports, le commerce, les banques, dans plusieurs régions du Brésil.
Les syndicalistes ont bloqué une soixantaine de routes et d'axes importants de plusieurs villes dans 23 Etats fédérés (sur 26). Malgré les tensions provoquées par les embouteillages, on ne signalait pas de violences, sauf à Rio de Janeiro.
Les syndicats ont relancé les manifestations de rue, qui s’étaient réduites depuis les vacances scolaires et universitaires de juillet. Cependant, le nombre de participants des cortèges syndicaux, dans diverses villes et banlieues industrielles, n’est en rien comparable à celui de juin. Les syndicats ont mobilisé des centaines de militants, parfois des milliers, sans pour autant parvenir à attirer les salariés.
A São Paulo
A São Paulo, ils étaient 7.000 à couper l’avenue Paulista, le cœur de la City. Beaucoup d’agences de banque étaient fermées. Le meeting devant le Musée d’art de São Paulo (MASP) a duré plus de trois heures, dans une ambiance festive, où les tambours, les sifflets et les vuvuzelas couvraient la voix des orateurs qui se succédaient dans l’indifférence générale.
Les banderoles et les globes identifiaient les trois principales organisations : la Centrale unique des travailleurs (CUT), proche du Parti des travailleurs (PT), la formation présidentielle, la Force syndicale et l’Union générale des travailleurs (UGT).
Etaient présentes aussi la CSP/Conlutas, liée à l’extrême gauche, la Nouvelle centrale syndicale des travailleurs (NCST), la Centrale des travailleurs et travailleuses du Brésil (CTB), la Centrale des syndicats brésiliens (CSB), la Centrale générale des travailleurs du Brésil (CGTB).
Malgré cette fragmentation du mouvement syndical et des divergences d’orientation, l’unité a prévalu, sans la moindre confrontation entre les participants. Quelques organisations de gauche et d’extrême gauche étaient présentes et distribuaient leur presse ou leurs tracts. Une délégation du Mouvement de paysans sans terre (MST) est arrivée devant le MASP au même moment qu’un groupe féministe. Il y avait aussi des jeunes qui demandaient la démission du ministre de la justice José Eduardo Cardozo (PT), à cause de la répression des manifestations de juin. Le syndicat des impôts portait des pancartes qui disaient :« Les maux du Brésil sont la corruption et l’évasion fiscale ».
La CUT et la Force syndicale avaient passé un accord pour ne pas défendre ou attaquer la présidente Dilma Rousseff, dont la personnalité les divise. Le mot d’ordre « Dilma dehors » a donc été évité, mais celui de « Dilma, réveille-toi » était inscrit sur des tee-shirts de la Force syndicale.
Répétition générale
Les orateurs n’ont pas ménagé le gouvernement. Paulinho, le président de la Force syndicale, a demandé la démission du ministre de l’économie, Guido Mantega : « Le gouvernement a abandonné et tourné le dos aux travailleurs. Il n’est pas possible de vivre avec l’inflation et le chômage qui commence à frapper les ouvriers de l’industrie. Il n’est pas possible de vivre avec une politique aussi récessive ».
Si le gouvernement ne rectifie pas, la Force syndicale appellera les autres centrales à organiser une grève générale au mois d’août. La Conlutas et la NCST sont sur la même position. « Si Dilma ne cède pas, ça va barder » (« Se Dilma não ceder, o pau vai comer »), criaient des manifestants.
« Cette journée du 11 juillet a prouvé que nous pouvons paralyser le Brésil, elle constitue une répétition générale », selon Paulinho, qui a convoqué les autres centrales dès vendredi, au siège de la Force syndicale, pour en tirer le bilan et se mettre d’accord sur la suite.
La CUT, gênée par sa proximité avec le PT, privilégie la lutte contre la précarisation (« terceirização ») , qui fait l’objet d’un projet de loi discuté à Brasilia. Le président de la CUT, Vagner Freitas y a passé les derniers jours pour s’opposer à cette réglementation. Poussée néanmoins par la radicalisation en cours, la CUT menace d’occuper le Congrès pour empêcher le vote du projet de loi.
La mobilisation a eu une ampleur nationale. A Rio de Janeiro, 5.000 manifestants ont coupé l’avenue Rio Branco, au centre-ville. A Natal, ils étaient 8.000 dans les rues, 7.000 à Belo Horizonte, 12.000 à Campo Grande, 5.000 à Goiania, 2.500 à Cuiaba, 3.000 à São Luis do Maranhão, 1.000 à Teresina, 3.000 à Porto Alegre, où la grève des bus a paralysé la ville. Le transport s'est arrêté aussi à Salvador. A Brasilia, 6.000 syndicalistes ont défilé sur l’esplanade des ministères, devant le Congrès. Ainsi, sans être ni un simple baroud d’honneur, ni une mobilisation massive, ce 11 juillet aura été un coup de semonce pour le patronat et pour le gouvernement, alors que les négociations contractuelles s’engagent en août.