Il est très inhabituel de voir Barack Obama un vendredi soir dans la salle de presse de la Maison Blanche. Peu après 17 heures, le président américain est venu au podium délivrer une mise en garde à la Russie. Toute intervention militaire en Ukraine aurait un « coût », a-t-il dit.
M. Obama s'est laissé une marge de manœuvre. Il s'est abstenu de confirmer les informations sur la présence de militaires russes en Crimée, ou d'utiliser le terme d'« invasion ». Mais aussitôt après son intervention, la Maison Blanche a agité la menace d'une annulation du sommet du G8 à Sotchi en juin, si la Russie persistait dans son opération.
Lire la synthèse : En Crimée, les russophones placent leurs pions
C'était la première intervention solennelle de M. Obama depuis la chute du président Ianoukovich. Jusque là, le secrétaire d'Etat John Kerry et le secrétaire à ladéfense Chuck Hagel s'étaient chargés d'appeler la Russie à éviter toute« provocation ».
« INTERFÉRENCE PROFONDE »
« J'ai parlé il y a quelques jours avec le président Poutine et mon administration a été en contact quotidien avec les officiels russes, a rappelé M. Obama. Nous avons clairement dit qu'ils peuvent être partie prenante de l'effort de la communauté internationale pour encourager la stabilité et le succès d'une Ukraine unie, ce qui n'est pas seulement dans l'intérêt du peuple d'Ukraine et de la communauté internationale, mais aussi dans l'intérêt de la Russie. »
Se déclarant « profondément préoccupé » par les informations sur « des mouvements militaires » russes en Ukraine, M. Obama a noté que la Russie a « une relation historique avec l'Ukraine », ainsi qu'une base militaire en Crimée.
« Mais toute violation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine serait profondément déstabilisatrice, ce qui n'est pas dans l'intérêt de l'Ukraine, de la Russie ou de l'Europe. Cela représenterait une interférence profonde dans des sujets qui doivent être déterminés par les Ukrainiens. Cela constituerait une claire violation de l'engagement de la Russie àrespecter l'indépendance, la souveraineté et les frontières de l'Ukraine, ainsi que du droit international ».
Juste après les Jeux olympiques, a-t-il assuré, une telle action « appellerait la condamnation » internationale. « Et les Etats-Unis seront aux côtés de la communauté internationale pour affirmer que toute intervention militaire en Ukraine aura des coûts », a-t-il promis.
Le président a conclu en indiquant que le vice-président Biden s'était entretenu avec le premier ministre ukrainien pour l'assurer du soutien des Etats-Unis et le féliciterpour sa « retenue ». « Nous allons continuer à nous coordonner avec nos alliés européens », a-t-il souligné. Et nous tiendrons la presse et les Américains informés. »
LE SOMMET DU G8 DANS LA BALANCE
Après l'intervention, un haut responsable a expliqué à la presse que le président américain pourrait difficilement participer au G8 de Sotchi si les troupes russes avaient effectivement envahi le voisin ukrainien. Ce qui revient à mettre le sommet dans la balance, les autres occidentaux risquant de s'aligner sur la position des Etats-Unis.
La veille encore, les responsables américains excluaient que M. Obama puisseboycotter le tête-à-tête prévu avec M. Poutine en marge du sommet. L'an dernier, il avait déjà annulé l'entretien, à cause de la position russe sur la Syrie. Même pendant la guerre froide, aucun président américain n'a évité les rencontres prévues plusieurs fois de suite.
Le sénateur républicain John McCain a estimé que Vladimir Poutine cherchait à« rebâtir l'empire soviétique » et que Barack Obama a été « un peu naïf » sur les ambitions du président russe. Regrettant que M. Obama n'ait pas été plus précis sur les « coûts » qui pourraient être infligés à Moscou, il a proposé diverses mesures de rétorsion, telles que la reprise du programme de défense anti-missile en République tchèque, annulée devant l'opposition russe, ou l'accélération de l'intégration de laGéorgie dans l'OTAN.
Le sénateur, qui compte parmi les faucons de Washington, a regretté que M. Obama n'ait pas défendu avec plus de vigueur les « valeurs de base » des Etats-Unis. « Poutine a vu ce qui s'est passé en Syrie quand la ligne rouge devient rose », a-t-il grincé.