Lundi 28 février, à Genève, la ministre brésilienne des droits de l’homme, Maria do Rosario Nunes, dans son tour d’horizon au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, a consacré deux paragraphes aux printemps arabes, sans citer la Syrie, sujet du jour.
Après la réunion, la ministre a précisé la position de Brasilia sur la proposition de fournir des armes à l’opposition syrienne :
« Le Brésil est contre livrer des armes à qui que ce soit. Le Brésil condamne les actions armées de tous les côtés. »
« L’idée de l’Arabie saoudite d’armer l’opposition n’est pas une bonne idée, l’excellente idée serait que la politique et la diplomatie remplacent la confrontation », a déclaré la ministre, qui renvoie dos à dos les opposants et Damas. Le vote d'une résolution à Genève a été repoussé à jeudi
La diplomatie brésilienne est embarrassée par la crise syrienne. Lorsque le Brésil siégeait au Conseil de sécurité de l’ONU, en 2011, sa représentante s’est alignée sur la Russie et la Chine pour éviter toute résolution contre la Syrie. Le motif invoqué par les diplomates était le précédent de la Libye. La résolution destinée à protéger les civils libyens aurait servi à justifier une intervention dans le but de renverser le colonel Kadhafi.
Le 16 février 2012, l’assemblée générale de l’ONU avait mis au vote une résolution non contraignante sur la Syrie, à l’initiative de la Ligue arabe. Cette fois, le Brésil a préféré suivre les pays arabes et a rejoint les 137 Etats qui ont adopté ce texte. Une douzaine de gouvernements ont osé soutenir Bachar Al-Assad à cette occasion.
Toutefois, huit jours plus tard, le 24 février, les Brésiliens ne figuraient pas parmi les 70 pays représentés à la Conférence des pays amis du peuple syrien, à Tunis. Le ministre brésilien des relations extérieures, Antonio Patriota, effectuait ce jour-là une visite en Turquie. La prochaine réunion des amis du peuple syrien aura lieu à Istanbul : le Brésil boudera-t-il encore, alors que la Turquie est son interlocuteur privilégié dans la région ? L'ambassadeur brésilien n'a pas quitté Damas.
Dans le cadre de sa diplomatie Sud-Sud, Brasilia avait déployé de gros efforts pour réunir des sommets Amérique du Sud-pays arabes, en 2005 et 2009. Le printemps égyptien de 2011 avait obligé à reporter sine die le troisième sommet.
Les diplomates brésiliens semblent accorder désormais plus d’importance au regroupement des BRICS, fait de bric et de broc, comme si le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud, de grandes démocraties, pouvaient partager des valeurs avec la Russie et la Chine, les deux puissances mal dégrossies du stalinisme.
Ces zigzags et errements ne donnent pas l’image d’une diplomatie réfléchie, défendant à la fois les intérêts nationaux et des principes universels. La confusion à ce sujet peut-être mesurée par ce qu’écrit l’ancien ministre José Dirceu, l’homme fort du premier mandat de Lula, remplacé par Dilma Rousseff, mais toujours très influent au Parti des travailleurs.
« Dans les rues d’Espagne et de la Grèce, la répression a la même face de celle qui s’abat sur les aspirations populaires en Syrie et en Libye », écrit-il sur son blog.
« De Homs à Valence, ce ne sont pas les violations des droits de l’homme qui manquent ». Bref, la répression à Homs, Athènes ou Valence, seraient équivalentes. Dirceu se demande pourquoi les « véritables rebellions, les insurrections populaires en Grèce et les manifestations étudiantes en Espagne ne seraient pas portées devant les organismes de droits de l’homme et le Conseil de sécurité de l’ONU ».
Depuis que l’ancien guérillero s’est reconverti dans les affaires, il semble avoir oublié la différence entre une matraque de flic et les obus tirés par les canons de tanks de l’armée.
Contrairement au relativisme en vogue à Brasilia, les violations des droits de l’homme ne sont pas de même nature dans tous les pays, et en tout état de cause, les unes n’excusent pas les autres. Surtout, elles ne sauraient justifier l’injustifiable, les crimes de masse commis en Syrie, et l’impuissance de la communauté internationale à les stopper.