Editorial du "Monde". Dans l'histoire de la République islamique d'Iran, le 21 mai 2013 restera comme une date importante : ce jour-là, elle est devenue un régime dictatorial comme les autres monolithique. Un seul clan veut détenir tout le pouvoir. C'est une mauvaise nouvelle, notamment pour l'avenir du dossier nucléaire.
Une des multiples institutions chargée de préparer l'élection présidentielle du 14 juin, le Conseil des gardiens de la Constitution, devait sélectionner une dizaine de candidats sur quelque 600 postulants. Il a rendu son verdict mardi. Il a éliminé les deux seuls candidats qui pouvaient contester la ligne du Guide de la révolution, l'ayatollah Ali Khamenei. Sauf surprise de dernière minute toujours possible en Iran , l'élection est verrouillée : ne restent en lice que des personnages connus pour leur soumission totale au Guide.
Le conseil a rayé la candidature d'un des pères de la révolution de 1979 qui renversa le régime du chah , l'ancien président Hachémi Rafsandjani. Richissime, disposant de réseaux dans tout le pays, Rafsandjani est la quintessence de l'homme du sérail. Il a été proche du Guide, il a cautionné une campagne d'assassinats d'intellectuels démocrates, mais il s'est aussi posé, ces dernières années, en opposant de l'intérieur.
Les "réformateurs", tout ce que l'Iran compte de classes urbaines modernes, éduquées, une partie des militants du "mouvement vert" écrasé dans le sang lors de la précédente élection présidentielle, en 2009, ceux-là s'étaient rangés derrière la candidature de Rafsandjani.
L'autre prétendant qui défiait la ligne du Guide, Esfandiar Rahim Mashaie, est le bras droit du président Mahmoud Ahmadinejad. Après deux mandats, ce dernier ne peut se représenter. En conflit de plus en plus ouvert avec M. Khamenei, qui parraina pourtant sa carrière politique, le président sortant a défendu avec acharnement la candidature de M. Mashaie lui aussi éliminé mardi.
Dans le jeu savant et complexe des institutions de la République islamique, la présidence a presque toujours été un contre-pouvoir à celui du Guide. Celui-ci incarne l'autorité religieuse, qui a le monopole de la décision en dernier recours, et ne se mêle pas de la politique au jour le jour.
Déjà bousculé en 2009, cet équilibre n'est plus. L'Iran est aux mains d'un homme, Khamenei, et de son clan, un groupe formé d'une minorité de dignitaires religieux et des chefs des Gardiens de la révolution, le bras armé du régime. Pour la première fois depuis 1979, une seule faction veut disposer de tous les leviers de pouvoir. Sa ligne est celle du Guide.
Intransigeance sur le nucléaire Téhéran accélère son programme de centrifugeuses , soutien indéfectible à la Syrie de Bachar Al-Assad, au Hezbollah libanais et refus d'un dialogue avec les Occidentaux : grand admirateur de la Corée du Nord, le Guide "bétonne" ses positions. Mais, en voulant exercer lui-même la réalité du pouvoir exécutif, il change de rôle. Il se met en première ligne. Il devient comptable de la situation économique et stratégique de l'Iran. Tout ce qui va mal doit lui être imputé, dans un pays qu'il transforme en dictature personnelle.