Narendra Modi, le leader du parti nationaliste hindou est en passe de devenir le nouveau premier ministre de l'Inde.
Son parti, le Bharatiya Janata Party (BJP), a remporté une victoire écrasante au terme de « la plus grande élection du monde », qui a mobilisé près de 551 millions d'électeurs après cinq semaines de vote, du 7 avril au 12 mai. Son triomphe met fin à la dynastie usée de Manmohan Singh et le parti du Congrès, au pouvoir depuis dix ans.
- Qui est Narendra Modi ?
A la tête du BJP, le parti du peuple indien donné vainqueur selon les premiers décomptes effectués vendredi 16 mai, Narendra Modi s’apprête à remporter une victoire écrasante aux législatives. Son parti dépasserait la majorité absolue des 272 sièges sur 543 à la chambre basse du parlement, la « Lok Sabha ».
Modi est issu d’une famille pauvre de la communauté des ghanchis, groupe hindoue située au bas de l’échelle sociale. Adepte du yoga et végétarien strict, il a été imprégné de l'idéologie nationaliste hindoue lors de sa jeunesse passée au sein du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), une organisation aux méthodes paramilitaires.
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Le RSS, qui défend une conception intransigeante de l’hindouisme, a été interdit plusieurs fois depuis l'indépendance et ses cadres font souvent preuve d'hostilité envers les musulmans, la plus grande minorité religieuse de l’Inde (14 % de lapopulation, contre 80 % d’hindous).
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- Pourquoi une victoire aussi nette ?
Face à l'arrogance des élites, Modi représente l'homme du peuple s'imposant par son seul labeur. Sa campagne repose essentiellement sur le bilan économique de son Etat du Gujarat, grâce auquel il s'est constitué une force de soutien chez les entrepreneurs et les chefs des grandes entreprises, leur promettant de relancerl'économie tout en réduisant la corruption.
Au-delà des nationalistes hindous, il a aussi rallié les classes moyennes et une partie des plus pauvres qui votaient traditionnellement pour le Congrès et ses programmes sociaux.
En face, le jeune candidat du Parti du Congrès, Rahul Gandhi, héritier de la dynastie Nehru-Gandhi, a subi une défaite cuisante en payant par les votes son manque de charisme et d’expérience, usé par des scandales de corruption à répétition et incapable de relancer la croissance du pays. La victoire du parti nationaliste marque donc un profond changement et une « nouvelle ère » après dix ans de pouvoir du Parti du Congrès.
- Pourquoi inspire-t-il des inquiétudes ?
A 63 ans, Narendra Modi incarne l'aile dure de son parti, suscitant la méfiance y compris dans son propre camp. Son arrivée au pouvoir fait d’ailleurs craindre une montée du nationalisme et la fin du pluralisme religieux, tout en ravivant le souvenirdes émeutes antimusulmanes orchestrées par des extrémistes hindous.
Le Parti du Congrès accuse notamment Narendra Modi de l’absence de réaction des forces de l’ordre dans les sanglantes émeutes intercommunautaires qui avaient secoué son Etat du Gujarat en 2002. Plus d'un millier de personnes, essentiellement des musulmans, avaient été tuées. L'Inde est officiellement un Etat laïc qui reconnaît et respecte toutes les religions, mais avec Modi au pouvoir, il faut s'attendre à ce que « l’hindouisation de l’Etat » s’accélère aux dépens des minorités religieuses.
- Quels défis attendent le nouveau régime ?
Dans un contexte de ralentissement de la croissance économique – après une décennie à plus de 9 %, elle a atteint 4,6 % en 2013 – et de hausse des prix, Modi devra faire à de nombreux défis hérités de l’ancienne coalition : sur le plan économique, il aura d’abord la lourde tâche de relancer la machine économique en espérant que son passé de dirigeant nationaliste hindou controversé ne la mette pas en péril.
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Il héritera également de problèmes en matière de politique étrangère, notamment avec le Pakistan, dont le premier ministre Nawaz Sharif a pourtant salué sa« victoire impressionnante ».
Depuis leur indépendance en 1947, l'Inde et le Pakistan se sont affrontés à trois reprises, notamment pour le contrôle du Cachemire, région himalayenne revendiquée par les deux puissances voisines désormais dotées de l’armenucléaire.
Les relations entre les deux pays s'étaient encore détériorées après l'attaque contre un grand hôtel de Bombay en 2008 qui avait fait 166 morts, l'Inde imputant cette tragédie à des islamistes armés pakistanais.
Le décryptage du chercheur Christophe Jaffrelot : L'Inde face au péril nationaliste
Après plusieurs années de boycott par l’Europe et étant lui-même interdit de visa aux Etats-Unis, Modi devra enfin éclaircir ses relations avec l’Occident : convenance diplomatique oblige, l'arrivée de Narendra Modi au pouvoir devrait lui valoirfélicitations et promesses de coopération de la part des Etats-Unis comme de l’Europe, qui ne peut s'autoriser à bouder le nouveau dirigeant de ce poids lourd d'Asie du Sud, économie émergente de 1,2 milliard d'habitants.